Véritable OVNI de la télé pendant des années, ARTE se positionne aujourd’hui comme une anomalie médiatique. Un phénomène atypique qu’on peine à définir, qui ne rentre pas dans les cases et qui n’arrête pas de nous surprendre.
C’est un peu comme le vilain petit canard, en fait. On l’a longtemps regardé d’un air moqueur alors qu’il s’était juste trompé de groupe. Bloquée par son image de « chaîne de vieux », ARTE s’est complètement métamorphosée en amorçant son virage numérique. Comme si elle avait enfin trouvé un terrain de jeu où elle pouvait briller. Une étape pourtant redoutée par beaucoup de marques et d’entreprises établies avant l’explosion d’Internet…
Devenue incontournable sur Instagram, Snapchat, TikTok et même Twitch, comment « la cinq » est passée de la chaîne que personne ne regarde à un média transgénérationnel ? Un véritable tour de force opéré par ARTE grâce à une transformation digitale de haut vol. On vous raconte.
Remontons un peu le temps. Dans les années 80, le gouvernement français commence à réfléchir à une chaîne de télévision pouvant rapprocher les Européens par la culture.
En 1992, ARTE voit le jour, en collaboration avec l’Allemagne. Pourquoi ARTE ? C’est l’acronyme pour Association Relative à la Télévision Européenne. Bon, en allemand, par contre, ça ne veut rien dire.
À la base, il s’agit donc d’un média de service public à visée éducative, diffusé dans plusieurs pays européens. Une chaîne dédiée à l’art, mais aussi à la société et à l’histoire, pour coller aux définitions française et allemande du mot « culture/kultur ».
Longtemps, la chaîne peine à séduire les jeunes générations. Ses programmes d’intellos et ses choix éditoriaux ont un côté élitiste peu fédérateur. La 5 ? C’est un peu la chaîne sur laquelle on ne s’arrête jamais quand on zappe. Éventuellement, les nuits d’insomnie, sur un malentendu…
Honnêtement, on n’aurait pas vraiment parié sur la longévité d’ARTE avec l’avènement du numérique. Sur le papier, c’était mal parti. Pourtant, le digital semble avoir ranimé leurs équipes de production. Un électrochoc, comme une cure de jouvence. Le web étant incontournable, ils n’avaient pas trop le choix : s’adapter ou rester sur le carreau.
Finalement, ARTE y voit une opportunité de s’amuser. Aujourd’hui, l’offre culturelle européenne se décline sur différentes plateformes ainsi que sur tous les réseaux sociaux (ou presque). La chaîne franco-allemande a réussi là où beaucoup luttent pour se démarquer : se moderniser tout en conservant son ADN et sa singularité.
Son président, Bruno Patino, affirme même qu’ARTE « est devenu un média de jeunes ». Bon, c'est peut-être pousser le bouchon un peu loin, mais leur stratégie digitale à 360° leur permet, en effet, de s’adresser à tous les âges. L’audience numérique ne cesse de progresser. Elle a même battu des records en 2020. Eh oui, ARTE fait partie de ces marques qui ont su tourner la pandémie de Covid à leur avantage. Grâce à la qualité de leurs propositions, la part d’audience des 15-34 ans a doublé. Rien que ça.
Alors qui regarde ARTE maintenant ? On ne va pas se mentir, la moyenne d’âge reste quand même de 50 ans… Pour les télespectateurs. Mais il faut aussi comptabiliser les utilisateurs de Snapchat, Youtube, Instagram et compagnie. Sur ces réseaux, l’âge moyen est respectivement de 24, 35 et 37 ans.
En multipliant intelligemment les contenus multimédias, la chaîne séduit un public de plus en plus large. D’ailleurs, ce n’est plus une simple chaîne de télévision. Désormais, il s’agit d’un ensemble de médias, à l’écoute des évolutions du secteur.
Le succès de la transformation digitale d’ARTE réside dans sa capacité à comprendre les possibilités offertes par Internet. La chaîne semble même avoir une longueur d’avance. Un peu comme si elle anticipait les mutations du secteur médiatique.
C’est ainsi qu’en 2002, ARTE invente le podcast avec ARTE Radio. La plateforme web diffuse, à la demande, des émissions, des reportages, des créations sonores et des témoignages audios. Quand on voit à quel point le format plaît aujourd’hui, on se dit qu’ARTE a du flair.
Cinq ans plus tard, ils sentent de nouveau un bon filon : le replay (appelé aussi télé rattrapage, en bon français). Avec le site ARTE +7, ils devancent M6 Replay d’un an et permettent au public de revoir les programmes pendant une semaine après leur diffusion initiale.
Une nouvelle proposition audacieuse qui séduit rapidement. Encore une fois, aujourd’hui, le replay fait partie des habitudes télévisuelles de tout le monde.
Par la suite, le site deviendra simplement arte.tv. En plus de l’offre de replay qui a migré, on y retrouve des vidéos à la demande, pour la plupart inédites. Bref, ARTE se lance sur le créneau du streaming et, comme d’habitude, ils ne font pas les choses à moitié. Certes, cette fois, ils n’ont pas été les premiers à se lancer. Toutefois, ils affichent clairement leur ambition : concurrencer Netflix, Amazon Prime et compagnie. Plutôt audacieux… D’ailleurs, ils trouvent vite le moyen de se démarquer : leur plateforme de streaming est entièrement gratuite.
ARTE comprend que la simple rediffusion ne les amènera plus nulle part. Il faut passer à la vitesse supérieure et proposer toujours plus de contenus originaux, en accord avec leur ligne édito. En 2020, c’est le jackpot. La chaîne bat des records d’audience, que ce soit pour leur offre télévisuelle ou digitale. Cette année-là, on compte, en moyenne, 137 millions de vidéos vues chaque mois. Pas mal, pour une chaîne ringarde et ennuyeuse.
ARTE sait que pour réussir sur le net, il ne suffit pas d’être là juste pour être là. Il faut comprendre la spécificité de chaque réseau social, s’adapter à ses utilisateurs et jouer selon leurs codes. Autrement dit, pour attirer les jeunes, il faut parler leur langage.
Être présent sur tous les réseaux sociaux ? OK, si on a quelque chose à dire. Dupliquer le même contenu partout ? Surtout pas.
Le numérique, c'est tout ce qu'on peut regarder quand on le souhaite ?
Caroline Baldeyrou, directrice adjointe du développement numérique à ARTE
La multiplicité des plateformes leur permet de se réinventer, de proposer de nouvelles histoires tout en variant les façons de les raconter : mini-séries, podcasts, jeux vidéos, concerts, etc. Une stratégie payante : d’un côté, les équipes s’éclatent à créer du contenu ; de l’autre, ARTE augmente sa visibilité et rajeunit son audience. D’après Gilles Fressinier, le directeur du développement numérique, l’audience globale d’ARTE est passée de 64 à 54 ans grâce à cela.
Lorsqu’Internet a pris de l’ampleur, beaucoup l’ont vu comme un concurrent. Le web allait signer l’arrêt de mort de la télévision, de la radio et des médias traditionnels. À l’inverse, les équipes d’ARTE ont choisi de voir ce nouvel espace de parole comme une plateforme complémentaire.
Dès le lancement d’ARTE Radio, le groupe se rend compte du potentiel de l’offre digitale. Internet peut attirer un nouveau public plutôt que simplement « voler » les auditeurs télévisuels. Suivant la même logique, ils réfléchissent à du contenu original disponible en ligne. Pour rester pertinent, leur site doit avoir sa propre programmation.
En 2009, ils lancent donc ARTE Live Web. Renommée ARTE Concert par la suite, la plateforme diffuse, en direct pour la plupart, des concerts, des pièces de théâtres, des spectacles de danse, etc. Une offre culturelle très appréciée qui, à son échelle, a soulagé la frustration de beaucoup d’artistes et de spectateurs lors de la pandémie de Covid.
Sur Instagram, ARTE s’amuse avec tous les formats disponibles et décline son contenu en photos, carrousels et vidéos :
Ils ont même un deuxième compte dédié à leurs webséries. Et alors là, le feed vaut le détour. Entre bande-dessinée et affiche de film, c’est une véritable œuvre d’art à lui tout seul.
Au départ, le réseau social permet simplement de diffuser plus largement certains programmes télévisuels (vus sur ARTE ou disponibles sur arte.tv). On y retrouve donc des documentaires en version intégrale, d’une heure ou un peu plus.
Évidemment, ARTE ne s’est pas arrêté à ça. Aujourd’hui, il existe des chaînes YouTube sur à peu près tous les sujets possibles et imaginables. De quoi les inspirer…
En plus des documentaires, on retrouve donc du contenu exclusif, créé spécifiquement pour la plateforme, et ce dans tous les formats disponibles :
Si vous avez plus de 30 ans, vous pensiez peut-être que ce réseau social n’existait plus, mais si, si. Et ARTE communique dessus, bien sûr.
En 2019, Snapchat innove avec un nouveau format : les shows. Il s’agit d’un enchaînement de snaps pour former une longue vidéo. On oublie un peu les filtres à tête de biche et on s’oriente vers un contenu plus profond. ARTE saute sur l’occasion et crée l’émission hebdomadaire FAQ ( = Foire Aux Questions, au cas où). Le slogan ? « Toutes les questions sont bonnes ».
On retrouve des témoignages de jeunes européens ou d’experts sur des questions d’actualité et de société : harcèlement scolaire, transphobie, racisme, addictions, travail, relations amoureuses, etc.
Un programme qui fonctionne bien avec plus de 220 000 abonnés. Le format ludique et interactif respecte les codes de Snapchat tout en permettant à ARTE de parler à une cible plus jeune. Avec un contenu attractif, ils engagent les moins de 25 ans et parviennent à les faire réfléchir sur des sujets de fond. Qui a dit que les réseaux sociaux n’étaient que superficialité ?
ARTE ne pouvait pas passer à côté du réseau social chinois. Pas de vidéos de danses virales au programme, mais un contenu sur-mesure pour TikTok : Viens, on danse. De courtes vidéos (1 minute max) entre fiction et documentaire, qui explorent les origines des danses urbaines.
Bingo, en quelques mois, l’émission cumule déjà plus de 10 millions de vues et a remporté un prix récompensant la créativité numérique.
Toujours dans cette logique d’aller là où on ne les attend pas, ARTE a aussi posé ses valises sur Twitch. Oui, la plateforme de streaming en direct, surtout connue pour les jeux vidéo.
À première vue, on ne voit pas bien ce qu’ARTE vient faire ici. Pourtant, le média explore depuis longtemps l’univers du gaming. En 2013, ils avaient même proposé un « gamedocumentaire » appelé Type-Rider.
Vous l’aurez compris maintenant (enfin, on l’espère), ARTE adore tester de nouveaux formats narratifs ainsi que de nouveaux supports. Ils tentent donc un truc : raconter l’histoire de la typographie sous forme de jeu. Vous, vous êtes les deux points (le signe de ponctuation, oui) et vous voyagez de la préhistoire aux années 2000 tout en résolvant des énigmes. On vous montre.
En 2021, ils remettent ça avec Unmaze, un format hybride entre jeu vidéo et roman graphique accessible sur Smartphone. Du coup, ARTE sur Twitch, ce n’est pas si étonnant que ça finalement.
En revanche, ça leur demande de gros efforts d’adaptation. Twitch est un média qui ne propose que du direct. Il s’agit aussi d’une plateforme incarnée par ses streamers. Or, ARTE n’a pas pour habitude de produire des shows live, ni de mettre en avant des personnalités. Leurs stars, ce sont leurs programmes.
Des défis qu’ils ont l’air de relever sans problème, ceci dit, notamment avec leur magazine bimensuel, Jour de Play. Une façon décalée d’aborder le jeu vidéo, non pas comme un simple divertissement ou en montrant des joueurs en action, mais plutôt comme un moyen de voir le monde. La patte singulière d’ARTE, quoi.
Internet et les réseaux sociaux offrent tellement de possibilités que ça peut vite donner le tournis. À vouloir être partout à la fois, par peur de manquer l’opportunité du siècle ou de ne pas être à la page, on est nulle part, finalement. Mais ARTE s’en sort haut la main. À tel point qu’ils sont devenus une référence en la matière. Alors comment ont-ils fait ?
Aujourd’hui, ARTE n’est pas une simple chaîne de télévision qui relaie ses programmes sur ses réseaux sociaux. C’est un véritable média avec une offre éditoriale déployée sur différentes plateformes, toutes complémentaires. Là, le voilà le mot magique.
Les dirigeants des programmes sont conscients de la place du digital dans le quotidien des gens. Internet nous divertit, mais nous informe aussi. La mission d’ARTE a toujours été de proposer un accès à la culture au plus grand nombre. Il faut donc aller à la rencontre de son public, là où il se trouve.
Un média, c'est une rencontre entre un public et une proposition éditoriale
Bruno Patino, président d'ARTE
Précurseurs du podcast et du replay, ouvertures précoces de comptes sur les réseaux sociaux… S’il y a bien une chose à retenir sur la transformation digitale d’ARTE, c’est que l’audace paie.
Curiosité, créativité, innovation et prise de risques : l’état d’esprit d’ARTE résumé en quelques mots. Le média franco-allemand a un avantage, ceci dit : c’est un service public. Il n’y a pas de pubs sur ARTE, pas de recherche de rentabilité. Une liberté qui leur permet de s’entourer de nouveaux talents et d’expérimenter sans pression.
Pour se concrétiser, chaque projet doit cocher toutes ces cases :
ARTE a choisi une omniprésence sur les réseaux sociaux. Les experts en marketing ont tendance à déconseiller cette stratégie. On l’a déjà dit, c’est le meilleur moyen de s’éparpiller et d’aller dans le mur. Pourtant, force est de constater que quand c’est bien fait… Ça fonctionne !
Là-dessus, le média franco-allemand a tout compris. On ne s’inscrit pas sur un réseau social juste pour y être. On y va parce qu’on a une stratégie, qu’on a un contenu original et adapté à proposer.
Ensuite, rien n'empêche les publications multicanales pour augmenter la visibilité. Par exemple, on retrouve beaucoup de choses sur le compte YouTube d'ARTE, même si les contenus ont d'abord été conçus pour un autre réseau. Et c'est ça qui compte.
On ne vous embête pas avec ça d’habitude, mais puisque vous êtes là : derrière ce média se cache une agence.
Une vraie. De conseil en stratégie digitale. On aide des marques à faire les bons choix, à bosser avec les bonnes personnes, à faire du business sans trop se perdre en chemin.
Donc si vous avez une question, un doute, une galère ou juste envie de parler de votre projet digital, on est là. Et si vous cherchez une agence (une qui produit des sites, contenus ou campagnes), on peut vous aider à la trouver. C’est gratuit (et ouais), il suffit de nous parler de votre projet.