Vous imprimez encore des trucs en 2025 ? Aucun jugement, promis. Mais si c’est le cas, il y a des chances que vous ayez déjà entendu parler des fameuses “eco fonts”. Ces polices un peu malines censées consommer moins d’encre, en jouant avec les formes des lettres. Gadget marketing ? Geste écolo concret ? On a voulu démêler tout ça.
Parce qu’apparemment, un simple “A” peut suffire à sauver la planète. Ou au moins vos cartouches.
On vous parlait déjà des éco-typographies juste ici. Cette fois, on se penche sur une célébrité du genre : l’eco font. Une typo à trous, oui, mais pas dans l’idée.
À première vue, ça sonne comme un concept un peu trop beau pour être vrai. Mais l’idée derrière une eco font est simple : si une police est conçue pour utiliser moins d’encre à la lettre, alors elle devrait, mécaniquement, coûter moins cher à imprimer.
Le tour de magie ? Des petits trous. Oui, littéralement. Une eco font laisse des vides à l’intérieur de ses lettres, invisibles à distance, mais suffisants pour économiser quelques gouttes par page. Le tout sans impacter (trop) la lisibilité.
C’est ce que propose la police Ecofont, imaginée en 2008 par une agence néerlandaise. Elle ressemble à une Arial standard, sauf qu’elle est… gruyère. Moins gourmande en encre, mais toujours lisible, surtout à petite taille.
Si Ecofont est la plus connue, elle n’est pas la seule à jouer les économies d’impression.
Il y a aussi Ryman Eco, une police open source, fine, élégante et conçue pour que chaque trait de caractère reste lisible tout en utilisant un minimum d’encre. Elle ne joue pas sur le perçage, mais sur la finesse des traits et l’illusion d’optique.
Et puis il y a la fameuse Garamond. Vous vous souvenez peut-être de cet ado qui, en 2014, affirmait que le gouvernement américain pouvait économiser des millions de dollars en changeant simplement de police. Son idée ? Passer de Times New Roman à Garamond, réputée plus “légère” en encre. L’argument a été discuté, mais il a eu le mérite de mettre le sujet sur la table.
Moralité : même dans le monde très sérieux de la typographie, il y a des polices engagées.
Alors, est-ce que ça marche vraiment ? Oui. Mais comme toujours, il y a un "mais".
Des tests ont montré que les eco fonts pouvaient réduire la consommation d’encre de 15 à 30 % selon le type d’imprimante, les réglages et le document. Sur des impressions en masse, ça devient vite significatif. Dans une école, une mairie ou une entreprise, cela peut représenter plusieurs centaines d’euros par an.
Mais les gains varient beaucoup. Sur certaines imprimantes laser récentes, ultra optimisées, l’économie est plus modeste. Et si on imprime avec une qualité très élevée (brochures, rapports pro…), la finesse des caractères peut être un défaut plus qu’un avantage.
Et bien sûr, tout dépend aussi… de ce que vous imprimez. Une note de frais en Garamond, c’est ok. Une affiche A3 pour un salon avec une eco font trouée ? Peut-être moins.
Si vous imprimez une fois tous les deux mois votre relevé de notes ou une attestation CAF, ce n’est pas là que vous changerez le monde. Mais à l’échelle collective, l’intérêt est réel.
Les eco fonts prennent tout leur sens dans les environnements à gros volume d’impression : administrations, écoles, entreprises multi-sites, coworkings… Là, une petite économie à la page devient un vrai impact à l’année.
Et ce, sans changer de machine, sans formation, sans friction. Il suffit de changer la police par défaut. Ce n’est pas une révolution, c’est un réglage. C’est ce qu’on aime dans l’écoconception : les petits pas efficaces.
Et pour ceux qui veulent aller plus loin, certains outils comme Ecofont Software permettent même de forcer cette optimisation en arrière-plan, sur n’importe quelle police existante. Vous imprimez en Arial ? Elle devient “eco Arial” à l’impression. Discret mais malin.
Parce qu’il y a toujours des limites. Certaines eco fonts manquent un peu de style. Certaines perturbent la lisibilité sur des documents très formels. D’autres ne sont pas compatibles avec tous les systèmes.
Et puis, on ne va pas se mentir : la plupart des gens… ne s’en soucient pas. On imprime, on survole, on jette. Alors qu’en réalité, l’eco font, c’est un peu le tofu du design typographique : pas hyper sexy, mais avec un bon usage, ça peut faire du bien autour de soi.
L’autre raison, c’est que les gens pensent encore que l’impact du numérique se limite aux serveurs. Or, imprimer reste une des pratiques les plus polluantes du quotidien digital. Papier, encre, transport, stockage… tout y passe. Alors si on peut optimiser à la source, pourquoi pas ?
Évidemment, une eco font ne remplacera jamais une stratégie globale de sobriété numérique. C’est un levier parmi d’autres.
Limiter les impressions inutiles. Travailler en recto-verso. Réutiliser le verso des feuilles imprimées. Réduire les zones d’image pleine. Et surtout : se demander à chaque fois si on a vraiment besoin de cliquer sur “Imprimer”.
Mais si on doit le faire, autant le faire bien. Une eco font, c’est une bonne entrée en matière, une prise de conscience simple, accessible. Et parfois, c’est tout ce qu’il faut pour enclencher une dynamique.
Non, les eco fonts ne vont pas sauver la planète à elles seules. Mais elles ont le mérite d’exister, d’être faciles à adopter, et de poser la bonne question : est-ce qu’on peut faire la même chose, avec moins ?
Et rien que pour ça, elles méritent leur place dans votre panel typographique. Peut-être pas pour vos slides de soutenance, mais pour les dizaines de pages qu’on imprime sans y penser… c’est un bon début.